C'était le thème du 3ème
« Café-débat » organisé par l'Action Catholique Ouvrière, le samedi
14 décembre après-midi, au Centre diocésain de Pastorale à Clermont-Fd.
L'ACO63 avait prévu cette
rencontre entre les militants de la mission ouvrière avec les personnes
concernées par ce sujet, et avec leurs amis. 58 personnes se sont retrouvées
autour du café. L'équipe de préparation avait mis au point un programme
structuré pour préciser de quoi on parle, écouter des témoins, discuter en
petits groupes puis débattre.
Un diaporama a rappelé les faits, pour comprendre ce qui s'est
passé en septembre. La loi dit que « toute personne sans abri en
situation de détresse... a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement
d’urgence ». L'Etat, qui en a la charge, délègue le fonctionnement à des
associations :
- l'ANEF Puy-de-Dôme chargée du 115 (numéro
national recevant 20.000 appels par an dans le département) et du service
intégré de l'accueil et de l'orientation (SIAO) pour la répartition des places,
la réservation d'hôtels, la veille sociale et l'accompagn
ement des personnes,
- Un réseau d'associations et de CCAS pour les places d'hébergement,
l'aide alimentaire et le soutien.
Dans le département, il y avait cet
été 600 personnes accueillies (400 à l'hôtel, les autres en centres) dont 47%
de demandeurs d'asile, des déboutés et les sans-abris parmi lesquels des
citoyens européens. L'ANEF arrivant en cessation de paiement par défaut de
versement des crédits que l'Etat, alerté depuis des mois, aurait dû payer les
hôtels, a cessé d'héberger 362 personnes, causant le scandale du 2 septembre,
où l'on a vu 300 personnes à la rue se regrouper place de Jaude. La
mobilisation immédiate et puissante des associations, les réactions de solidarité
généreuse de la population et finalement des pouvoirs publics ont répondu
(parfois de façon invisible pour les médias) aux besoins évidents et aux
revendications exprimées.
Trois mois plus tard, le système
a évolué :
- 240 demandeurs d'asile sont abrités dans leur réseau spécifique
- 360 personnes sont accueillies (dont 90 à l'hôtel, et les autres dans
des places d'hébergement plus nombreuses); mais elles demeurent insuffisantes.
Les priorités définies par l'Etat sont les enfants scolarisés, les familles, les
malades…ceux qui n’en relèvent pas sont exclues ou prises en charge par le
Conseil général, les associations caritatives...
Pour contribuer à contrer les préjugés et les idées toutes faites,
les organisateurs ont apporté quelques données précises, à partir de deux livres des Editions de l’Atelier : « Nous
pouvons vraiment vivre ensemble » et « En finir avec les idées fausses sur les pauvres et la
pauvreté ».
- Le problème de « l'accueil des sans-abris en urgence » ne se résume pas au statut des étrangers et au slogan « régularisation des sans-papiers », puisque des femmes victimes de violences, des SDF ou jeunes errants sont aussi concernés.
- Parmi les étrangers qui n'ont pas le droit de s'installer, (mais qui ont payé chèrement le prix de l'exil de multiples manières) il y a 2 raisons bien différentes : la demande d'asile pour échapper à la persécution ; et l'immigration pour une vie meilleure qu'au pays d'origine.
- Les ressortissants communautaires ont le droit théorique de circuler en Europe mais avec des restrictions transitoires pour les roumains et les bulgares (restrictions pour la recherche d’un travail…).
- La migration est une richesse, démographique, économique : elle rapporte plus qu'elle ne coute elle a toujours existé et la mondialisation, le réchauffement climatique....vont l’augmenter.
Après des échanges en petits
groupes sur la manière dont chacun s'est senti interpellé, un débat s'est
engagé sur deux questions centrales :
1/ Il faut se loger pour redémarrer : misère et logement
-
De façon générale, un habitat est indispensable
à la vie. Qu’en est-il réellement des logements vides ? Une hausse de
la fiscalité sur ceux qui ne sont pas loués ne serait-elle pas utile ? Il
existe des projets où des personnes retapent des logements pour elles. Des associations
comme Habitat et Humanisme proposent des baux à loyers faibles, associés à un
accompagnement des bénéficiaires.
2/ Accueillir, c’est quoi pour toi ?
-
L’Europe est loin d’être le principal lieu
d’accueil et certains pays ont beaucoup plus d’arrivants que la France (Italie,
Espagne...). Se rendre compte de l’exploitation par des passeurs subie par des
immigrants qui ne peuvent plus repartir chez eux ensuite.
-
Des militants hébergent des sans-abri auxquels
le 115 n’a pas pu fournir de places. Mais l'accueil doit se poursuivre par le chemin
de l'emploi et de l'intégration.
-
En tant que chrétiens, comment faire avancer
ensemble un vrai débat sur l’immigration au-delà des peurs, des idées fausses
et des fantasmes ?
Un rappel de la nécessaire prise
en compte des personnes à partir du discours
du pape François au centre de réfugiés d’Astalli à Rome (10 septembre 2013). Il nous redit que l’autre « …est une
richesse à accueillir et non à craindre. Il propose 3 mots : servir accompagner et défendre. Servir
signifie accueillir la personne qui arrive avec attention, sans calculs sans
crainte, avec tendresse et compréhension. Permettre d’établir des relations
humaines, des liens de solidarité. Servir signifie reconnaitre et accueillir
les questions de justice d’espérance et de chercher ensemble des routes des
parcours concrets de libération. Accompagner pour contribuer à faire grandir
une culture de l’accueil une culture de la rencontre à partir de la protection
des droits humains. Défendre, cela veut dire se mettre du côté de celui qui est
plus faible. Combien de fois élevons nous notre voix pour défendre nos droits
mais combien de fois sommes-nous indifférents envers les droits des autres… »
Une conclusion plurielle a
été donnée par l'ACO 63
L’ACO a voulu regarder en face un
événement choquant et des questions qui nous dépassent. Dans cette affaire
comme dans beaucoup de combats, devant une réalité pas facile, la solidarité a
été vécue et a pleinement joué pour l'humain, malgré les désaccords entre
associations, mouvements, acteurs, citoyens … La solidarité n'est pas
vaine : même si on sait que les problèmes sont immenses et qu'on ne verra
pas la solution idéale être mise en place définitivement. Il faut toujours
recommencer et se rassembler. L'ACO invite à se risquer dans la rencontre de
l'autre, dans les gestes de solidarité, à changer les situations injustes.
Notre rencontre s’est terminé par
la lecture d’extrait du message de Noel de la Mission Ouvrière, « Noël une
espérance ».