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. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Noël est planétaire, son souffle élémentaire





jeudi 9 janvier 2014

La crise de l'hébergement d'urgence à Clermont




C'était le thème du 3ème « Café-débat » organisé par l'Action Catholique Ouvrière, le samedi 14 décembre après-midi, au Centre diocésain de Pastorale à Clermont-Fd.

L'ACO63 avait prévu cette rencontre entre les militants de la mission ouvrière avec les personnes concernées par ce sujet, et avec leurs amis. 58 personnes se sont retrouvées autour du café. L'équipe de préparation avait mis au point un programme structuré pour préciser de quoi on parle, écouter des témoins, discuter en petits groupes puis débattre.

Un diaporama a rappelé les faits, pour comprendre ce qui s'est passé en septembre. La loi dit que « toute personne sans abri en situation de détresse... a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence ». L'Etat, qui en a la charge, délègue le fonctionnement à des associations :
    - l'ANEF Puy-de-Dôme chargée du 115 (numéro national recevant 20.000 appels par an dans le département) et du service intégré de l'accueil et de l'orientation (SIAO) pour la répartition des places, la réservation d'hôtels, la veille sociale et l'accompagn
ement des personnes,
   - Un réseau d'associations et de CCAS pour les places d'hébergement, l'aide alimentaire et le soutien.
Dans le département, il y avait cet été 600 personnes accueillies (400 à l'hôtel, les autres en centres) dont 47% de demandeurs d'asile, des déboutés et les sans-abris parmi lesquels des citoyens européens. L'ANEF arrivant en cessation de paiement par défaut de versement des crédits que l'Etat, alerté depuis des mois, aurait dû payer les hôtels, a cessé d'héberger 362 personnes, causant le scandale du 2 septembre, où l'on a vu 300 personnes à la rue se regrouper place de Jaude. La mobilisation immédiate et puissante des  associations, les réactions de solidarité généreuse de la population et finalement des pouvoirs publics ont répondu (parfois de façon invisible pour les médias) aux besoins évidents et aux revendications exprimées.
Trois mois plus tard, le système a évolué :
   - 240 demandeurs d'asile sont abrités dans leur réseau spécifique
   - 360 personnes sont accueillies (dont 90 à l'hôtel, et les autres dans des places d'hébergement plus nombreuses); mais elles demeurent insuffisantes. Les priorités définies par l'Etat sont les enfants scolarisés, les familles, les malades…ceux qui n’en relèvent pas sont exclues ou prises en charge par le Conseil général, les associations caritatives...


Des témoignages ont ému et éclairé les participants. Ainsi une jeune femme a raconté comment elle avait vécu cette galère et comment la confiance de personnes rencontrées, devenues amies et soutiens, lui a permis de s'en sortir. Louis a souligné l'engagement militant et l’aide du CDP ; il a expliqué comment le Secours catholique s'est arrangé avec d'autres associations caritatives pour apporter le nécessaire au gymnase, mais aussi pour reloger dans des appartements loués (initiative Alternativ'hôtel). Emmanuel a fait part de la longue inertie des pouvoirs publics, de tensions entre certains de ceux qui se sont impliqués, du bras de fer entre l'Etat et des défenseurs des  personnes sans abri, ainsi que les efforts faits pour sortir de la crise, distinguant bien la question des étrangers sans-papiers de l’ensemble du problème de l'hébergement d'urgence (qui touche aussi des jeunes en errance, des femmes victimes de violences, des SDF malades...).




Pour contribuer à contrer les préjugés et les idées toutes faites, les organisateurs ont apporté quelques données précises, à partir de deux livres des Editions de l’Atelier : « Nous pouvons vraiment vivre ensemble » et « En finir avec les  idées fausses sur les pauvres et la pauvreté ».

Par exemple :
  •   Le problème de « l'accueil des sans-abris en urgence » ne se résume pas au statut des étrangers et au slogan « régularisation des sans-papiers », puisque des femmes victimes de violences, des SDF ou jeunes errants sont aussi concernés.
  •   Parmi les étrangers qui n'ont pas le droit de s'installer, (mais qui ont payé chèrement le prix de l'exil de multiples manières) il y a 2 raisons bien différentes : la demande d'asile pour échapper à la persécution ; et l'immigration pour une vie meilleure qu'au pays d'origine.
  •   Les ressortissants communautaires ont le droit théorique de circuler en Europe mais avec des restrictions transitoires pour les roumains et les bulgares (restrictions pour la recherche d’un travail…).
  •   La migration est une richesse, démographique, économique : elle rapporte plus qu'elle ne coute elle a toujours existé et la mondialisation, le réchauffement climatique....vont l’augmenter.


 
Après des échanges en petits groupes sur la manière dont chacun s'est senti interpellé, un débat s'est engagé sur deux questions centrales : 

1/ Il faut se loger pour redémarrer : misère et logement

-          De façon générale, un habitat est indispensable à la vie. Qu’en est-il réellement des logements vides ? Une hausse de la fiscalité sur ceux qui ne sont pas loués ne serait-elle pas utile ? Il existe des projets où des personnes retapent des logements pour elles. Des associations comme Habitat et Humanisme proposent des baux à loyers faibles, associés à un accompagnement des bénéficiaires.
-          Pour l'hébergement d'urgence : L’hôtel, variable d’ajustement au départ, est devenu la règle alors que c’est cher et insatisfaisant (pas de possibilité de cuisiner, toute la famille en une seule pièce…). L’Etat impose une « rotation » d’un hébergement à l’autre ce qui pose des problèmes pour la conduite des enfants à l’école, empêche l’insertion dans un quartier, stresse les intéressés sans cesse obligés de déménager. Des centres n’offrent qu’un abri de nuit, de 17H à 9H. Pendant la crise, les associations ont proposé de louer massivement des appartements mais les autorités n'ont autorisé que quelques places à l'essai.

2/ Accueillir, c’est quoi pour toi ?

-          L’Europe est loin d’être le principal lieu d’accueil et certains pays ont beaucoup plus d’arrivants que la France (Italie, Espagne...). Se rendre compte de l’exploitation par des passeurs subie par des immigrants qui ne peuvent plus repartir chez eux ensuite.

-          La population vieillissante d’un village italien frappé par l’exode a su accueillir des étrangers et en a été revivifiée.
-          Des militants hébergent des sans-abri auxquels le 115 n’a pas pu fournir de places. Mais l'accueil doit se poursuivre par le chemin de l'emploi et de l'intégration.
-                    En tant que chrétiens, comment faire avancer ensemble un vrai débat sur l’immigration au-delà des peurs, des idées fausses et des fantasmes ?

Un rappel de la nécessaire prise en compte des personnes à partir du discours du pape François au centre de réfugiés d’Astalli à Rome (10 septembre 2013). Il  nous redit que  l’autre « …est une richesse à accueillir et non à craindre. Il propose 3 mots : servir accompagner et défendre. Servir signifie accueillir la personne qui arrive avec attention, sans calculs sans crainte, avec tendresse et compréhension. Permettre d’établir des relations humaines, des liens de solidarité. Servir signifie reconnaitre et accueillir les questions de justice d’espérance et de chercher ensemble des routes des parcours concrets de libération. Accompagner pour contribuer à faire grandir une culture de l’accueil une culture de la rencontre à partir de la protection des droits humains. Défendre, cela veut dire se mettre du côté de celui qui est plus faible. Combien de fois élevons nous notre voix pour défendre nos droits mais combien de fois sommes-nous indifférents envers les droits des autres… »


Une conclusion plurielle a été donnée par l'ACO 63
L’ACO a voulu regarder en face un événement choquant et des questions qui nous dépassent. Dans cette affaire comme dans beaucoup de combats, devant une réalité pas facile, la solidarité a été vécue et a pleinement joué pour l'humain, malgré les désaccords entre associations, mouvements, acteurs, citoyens … La solidarité n'est pas vaine : même si on sait que les problèmes sont immenses et qu'on ne verra pas la solution idéale être mise en place définitivement. Il faut toujours recommencer et se rassembler. L'ACO invite à se risquer dans la rencontre de l'autre, dans les gestes de solidarité, à changer les situations injustes. 

Notre rencontre s’est terminé par la lecture d’extrait du message de Noel de la Mission Ouvrière, « Noël une espérance ».